Kurt Gödel | L’homme qui a fait trembler les mathématiques

Découvre le mathématicien qui a fait trembler les mathématiques au XXème siècle, Kurt Gödel.
Portraits
Publié le :
2/12/2023

C’est un paradoxe : les mathématiques, la science pure par excellence, ne reposent pas sur des fondements mathématisables. La démonstration en fut donnée par Kurt Gödel. Logicien implacable, l’Autrichien était aussi de santé mentale fragile. Gravement hypocondriaque, il croyait aux esprits, aux démons, aux fantômes et à la vie après la mort.Il n'en demeure pas moins comme étant LE mathématicien ayant le plus révolutionné les fondements logiques des mathématiques au XXème siècle. Et un des premiers à essayer de démontrer mathématiquement l'existence de Dieu...

Crédit photo : Alfred Eisenstaedt / The LIFE Picture Collection / Shutterstock

"Monsieur Pourquoi"

L'enfance de Kurt fut le terreau fertile où germa sa passion pour les questions et les énigmes. Dès son plus jeune âge, il étonna son entourage par son insatiable curiosité, posant des questions incessantes sur tout ce qui l'entourait. On le surnomma alors "Der Herr Warum" (Monsieur Pourquoi) en raison de cette quête inlassable de réponses. Brillant élève, il se distingua particulièrement en mathématiques, n'obtenant qu'une seule note inférieure au maximum tout au long de sa scolarité primaire et secondaire.
Bien que Gödel se soit d'abord illustré dans les langues, parlant et écrivant un français et un anglais parfaits, il prit rapidement conscience que la physique, discipline dans laquelle il entama ses études à l'Université de Vienne aux côtés de son frère, manquait de précision. Il se tourna alors vers les mathématiques et la logique, domaines qui offraient la rigueur et la clarté qu'il recherchait.

Un théorème révolutionnaire

À l'âge de 25 ans, Gödel publia ses résultats les plus importants, dont le théorème d'incomplétude qui allait faire sa renommée. Ce théorème, véritable pierre angulaire de son œuvre, affirme que tout système logique suffisamment puissant pour décrire l'arithmétique des entiers contient des propositions indécidables, c'est-à-dire des énoncés ne pouvant être ni infirmés ni confirmés à partir des axiomes de la théorie. Sa démonstration devint un classique du raisonnement mathématique et propulsa Gödel au rang de célébrité internationale dans le monde des mathématiques.
Le premier théorème d'incomplétude ne fut que le début d'une série d'accomplissements pour Gödel. Bien que son article de 1931 esquisse seulement les grandes lignes du deuxième théorème d'incomplétude, sa démonstration fut si bien acceptée par la communauté mathématique qu'il ne jugea pas nécessaire de la préciser davantage. Par cet exploit, Gödel mit fin aux espoirs d'Hilbert d'axiomatiser complètement les mathématiques, prouvant ainsi que la déduction mécanique ne peut pas être le seul fondement de cette science, laissant place à l'intuition. Malheureusement, ni Zermelo, ni Russell, ni Wittgenstein ne saisirent pleinement la signification et la portée de ces théorèmes, donnant lieu à de nombreuses interprétations erronées qui persistent encore aujourd'hui.

Gödel & Einstein : l'histoire d'une belle amitié

La rencontre entre Gödel et Einstein eut lieu aux États-Unis, où les deux génies s'étaient réfugiés après avoir fui l'Europe en raison de la montée du régime nazi. Ils partageaient une passion commune pour la recherche scientifique, mais c'est leur affinité intellectuelle et leur compréhension mutuelle qui ont scellé leur amitié exceptionnelle.
Au-delà de leurs domaines respectifs, Gödel et Einstein se sont mutuellement inspirés et stimulés intellectuellement. Leur amitié était basée sur une admiration réciproque et une fascination pour les questions fondamentales de l'univers. Ils se lançaient dans des discussions passionnées, explorant des sujets allant de la philosophie de la connaissance à la nature du temps et de l'espace.
L'amitié entre Gödel et Einstein ne fut pas seulement nourrie par des conversations intellectuelles profondes, mais également par des liens personnels étroits. Les deux hommes partageaient des valeurs communes et une vision du monde similaire. Leur exil commun et leur expérience de la persécution par les nazis les rapprochèrent encore davantage, renforçant leur soutien mutuel et leur amitié.
Une anecdote fascinante de cette amitié est liée à la demande de naturalisation américaine de Gödel. Obsédé par la logique et l'exactitude, il osa démontrer, lors de son entretien, les contradictions présentes dans certains articles de la constitution des États-Unis. Ce geste audacieux, bien que surprenant, reflétait sa quête incessante de vérité et d'intégrité logique, même lorsqu'il était confronté à des situations officielles.
Kurt Gödel et Albert Einstein à Princeton, New Jersey le 05 Décembre 1947. Crédit photo : Oskar Morgenstern.

Un génie torturé

À Princeton, Gödel se distingua par ses comportements inhabituels et ses idées singulières. Persuadé que son réfrigérateur et les radiateurs émettaient des substances toxiques, il les fit remplacer à maintes reprises et changea fréquemment de logement. Sa perception de l'Histoire et de l'actualité déroutait souvent son entourage.
On peut être déconcerté par la juxtaposition d'idées scientifiques de grande valeur, d'opinions philosophiques et religieuses discutables, de croyances superstitieuses et de troubles pathologiques chez Gödel. Cependant, tous ces éléments étaient intrinsèquement liés à sa personnalité. Convaincu que rien ne se produit par accident, Gödel exprimait un rationalisme extrême qui se mêlait à la paranoïa, nourrissant son attrait pour le surnaturel et l'occulte.
Atteint de troubles mentaux, Kurt Gödel parvint néanmoins à être naturalisé grâce au soutien de ses amis Oskar Morgenstern et Albert Einstein. Après la guerre, il intégra définitivement l'université de Princeton, mais ses troubles se transformèrent en délires de persécution au milieu des années 1970, hâtant sa fin. Interné à l'hôpital de Princeton, il succomba le 14 janvier 1978, pesant à peine 29,5 kg.

Malgré sa disparition, l'héritage de Gödel demeure immense. Au-delà de ses publications, il laissa derrière lui de nombreux manuscrits inédits traitant principalement de philosophie et de théologie. Sa preuve ontologique de l'existence de Dieu, inspirée des travaux d'Anselme de Cantorbéry et de Leibniz, circula parmi ses amis. À l'aube de ses 70 ans, Gödel, profondément mystique, tenta de démontrer l'existence de Dieu, alliant ainsi la logique et la foi dans une réflexion profonde sur les questions métaphysiques.

Rejoindre l'aventure Mathflow !

Redécouvre les mathématiques en t'amusant
Démarrer

Découvre les autres posts !